JANE LEE HOOKER: No B ! (2016)

Un petit mot en passant sur ce groupe de New York, composé de cinq femmes au caractère bien trempé. Ces nanas maîtrisent parfaitement leurs instruments et leur musique puise ses influences dans les racines du blues (Muddy Waters, John Lee Hooker) mais aussi dans le hard rock et le punk. Loin d’être des débutantes, elles ont emprunté le chemin tortueux du rock depuis bien longtemps. La chanteuse possède une voix râpeuse, bluesy à souhait, et elle a officié dans un « tribute band » entièrement féminin consacré à Led Zeppelin. Une des guitaristes a joué au sein de Nashville Pussy et les autres traînent un lourd passé de rockeuses derrière elles. Formé en 2013, ce combo de charme a notamment ouvert pour Southside Johnny et il présente au public son premier disque. Bien sûr, cet album ne va pas révolutionner la face du rock mais, selon la formule consacrée, il se laisse gentiment écouter. « Wade In The Water » (un blues-rock costaud au rythme enlevé) cartonne honorablement avec un solo bien rock. « Mean Town Blues » tape dans le registre hard rock/punk hyper speed mais le break s’étire un peu en longueur (un solo sur un tempo rapide aurait sans doute mieux valu). Deux titres très plaisants se font remarquer : « Believe To My Soul » (un blues sulfureux avec la voix qui va bien et un solo bien senti) et la reprise de « Bumble Bee » (un blues lent classique avec un solo de guitare marqué par le blues électrique des seventies). Le groupe reprend aussi « Free Me » d’Otis Redding (un slow gorgé de soul sur lequel la chanteuse laisse aller sa voix pleine de feeling) et « The Hunter » de Al Jackson Junior (un rhythm'n’blues qui balance avec un solo efficace). Les filles rendent également hommage au grand Muddy Waters, le maître du Chicago blues, avec « Champagne And Refeer » et la reprise poisseuse de son plus grand succès, « Mannish Boy » (que nos diablesses accélèrent sur la fin pour un solo de six-cordes agressif). Sur ces deux morceaux, la chanteuse fait des merveilles, sa voix se mariant tellement bien avec ce style de musique. Le disque s’achève sur « Shake For Me » (de Willie Dixon) qui commence doucement puis s’emballe sur un rythme échevelé avec des guitares hurlantes ainsi qu’un solo de batterie et de basse. Sur la fin, le tempo augmente encore en vitesse et on croirait écouter un morceau des Ramones. Nos rockeuses doivent sans doute utiliser ce titre pour terminer leurs concerts car l’effet est garanti. Même si on est loin des Runaways, la recette se révèle délicieuse. Bien sûr, on peut reprocher le grand nombre de reprises mais ça, c’est souvent le défaut de la première galette. Le circuit des bars, les chansons que réclament le public, le manque de temps pour composer et surtout la pénurie d’argent pour enregistrer sont autant d’obstacles à la conception d’un album personnel. Et on ne peut pas faire la Route du Rock sans avoir au moins un CD à présenter, même s’il est bourré de reprises. Alors, c’est comme ça ! Du heavy blues électrique teinté de hard-rock et saupoudré d’une pincée de punk… pas de doute : ça sent la Grosse Pomme !

Olivier Aubry